Le sujet fait couler de l’encre. Au Goût du Voyage, on a décidé de s’autoriser un petit tour de la question.

Déjà, posons les bases. Le Code du Tourisme français (article L.211-1&2) impose aux opérateurs de voyage et de séjour une immatriculation auprès d’Atout France en justifiant d’une assurance en Responsabilité Civile Professionnelle et garantie financière conformes. Les personnes ou structures qui proposent de tels services alors qu’elles opèrent sans immatriculation ou sans partenariat formalisé avec un opérateur immatriculé sont hors-la-loi. Au Goût du Voyage, on aime les apéros épicés mais nous ne mangeons pas de ce pain-là.

Par contre, pour tous ceux qui officient légalement et/ou en toute transparence sur le contour de leurs services (conseil), il y a une légitimité à étudier le sujet.

Depuis quelques années déjà, la profession de #coach voyage, #travel planner, #travel designer ou équivalent a pris de l’essor, en France, souvent sous le statut juridique de la micro-entreprise.

Il y a quelques années, L’APST s’était interrogé sur les freins à l’entrée dans la profession et avait décidé d’assouplir certains de ses critères pour permettre à des auto-entrepreneurs d’accéder à la garantie financière, précieux sésame pour l’immatriculation Atout France.

C’est une réalité socio-économique, le statut d’auto-entrepreneur séduit beaucoup, dans divers secteurs, dont le tourisme. Nombreux sont ceux qui voient en cette indépendance, l’opportunité de donner plus de sens à leur travail, d’être « maîtres à bord » et ainsi faire aboutir leurs ambitions professionnelles selon leur propre vision. La facilité de création et de gestion de la micro-entreprise, l’attrait du statut indépendant en ce qu’il permet la gestion autonome et flexible de son emploi du temps et probablement un meilleur équilibre vie privée – vie professionnelle sont des attraits incontournables.

La crise sanitaire aura probablement accentué cette tendance à télétravailler, et pourquoi pas se mettre au vert, devenir travailleur nomade. Si la relance économique se confirme, peut-être que le statut d’indépendant continuera de plaire. Des agents de voyage auront été laissé sur le carreau et vont chercher à rebondir dans un métier qui leur est cher.

La faillite de Thomas Cook suivie de la crise sanitaire aura aussi entraîné un défaut de garants. Aujourd’hui, l’entrée dans la profession est quasi impossible.

Pour toutes ces raisons, la question du « travailler ensemble » devient essentielle.

Comment le secteur du tourisme et les agences de voyage pourraient-elles apprendre à faire bon ménage avec cette nouvelle tendance ?

Traditionnellement, les agences de voyage ont recours au salariat. Depuis quelques années, certaines modifient leur vision des ressources humaines et leurs organigrammes. D’ailleurs certaines ont déjà noué des partenariats avec des indépendants (et vice-versa) et tout le monde s’y retrouve, l’agent de voyage, le réceptif, le freelance et le client. Puisque cette réalité existe, autant ne pas la nier et lui donner simplement le cadre et les modalités d’exercer.

A garder tout de même dans un coin de la tête, l’agence de voyage a son identité propre. Travailler avec elle suppose, pour le travailleur indépendant, de s’avoir s’imprégner de cette identité et en devenir ambassadeur auprès des clients. En tant qu’indépendant, si on multiplie les partenariats, on réplique l’exercice à chaque fois. Du point de vue de l’agence de voyage, il est aussi important de savoir transmettre sa culture d’entreprise, et de la partager avec autant de personnes que nécessaire.

Les nouveaux modèles collaboratifs incitent à plus d’horizontalité dans la gestion des compétences. Le poids économique (niveau des charges sociales) incite à externaliser certaines ressources humaines. A l’heure où les agences de voyage essaient de survivre et, à l’heure où la crise sanitaire nous assomme dans le pire des cas et nous bouscule seulement, dans le meilleur des cas, il est urgent d’innover. Innover c’est imaginer de nouveaux modes de collaboration et de nouveaux modèles économiques. La transition et le changement nous imposent à nous agents de voyage, de nous réinventer.

L’agence de demain doit mettre un coup de pied dans la fourmilière. Elle subit une image d’agence vieillotte, qui vend exclusivement des produits sur brochure et s’alimente pauvrement de frais de dossier parfois même cédés.

Et si moderniser et pérenniser « l’agence de voyages » c’était justement mettre en avant sa différence et donc sa valeur ajoutée. Faut-il le rappeler, l’agent de voyage sait conseiller, assembler, formaliser, organiser, gérer, assurer un voyage de A à Z. Il porte la responsabilité de plein droit pour le voyage, désigné comme expert de sa conception et de sa mise en place à destination, s’entoure de partenaires solides sur le terrain, gère les aléas et imprévus avec abnégation et bienveillance pour ses clients et le bon déroulement de leur voyage. Bref, c’est un super-héros (bon, par le???? s temps qui courent, on a bien le droit de se mettre un peu de baume au cœur !).

Ceci étant dit, on peut facilement admettre qu’il est parfois difficile de concentrer « toutes les expertises » en interne. Alors si vraiment, l’agence replace le « conseil et l’expertise voyage » comme étant au cœur de son métier, si elle s’autorise et revendique des voyages et des séjours sur-mesure, si elle veut être au plus proche de ses clients, offrir l’insolite, l’inattendu et l’introuvable, n’a-t-elle pas intérêt à se doter de ressources, de partenaires fiables en la matière ?

Et si les « travel planners » veulent accompagner les clients sérieusement du conseil à la réservation, en tant qu’aboutissement de la prestation de service initial (et donc mettant en avant la phase AMONT du voyage), n’ont-ils pas intérêt à travailler avec des agences de voyage, et ainsi compléter leur palette de services et travailler en légalité ? Leur expertise destination, de la thématique, de l’accompagnement client, peut être un allié solide pour notre avenir professionnel à tous. Notre expertise et le cadre légal que nous leur offrons un retour, est un allié solide à la pérennité de leur nouveau métier.

Les modèles concurrentiels ont atteint leurs limites. L’heure est venue de la coopération et de l’association de compétences. Comment mettre l’intelligence collective au cœur de nos métiers ? Comment modifier nos modes opératoires avec une gouvernance participative ? Comment attirer de nouveaux talents ? Comment prendre soin (le fameux « care » en anglais) de nos collaborateurs, quel que soit leur statut ? Ça parle de nouveaux modes de gestion et modes relationnels internes ET externes. Agents de voyage, réceptifs et #coach voyages peuvent avancer ensemble au service des clients-voyageurs. Tout l’écosystème des professionnels du voyage mérite d’être repensé. Il y a toujours une place pour chacun dès lors que l’on agit en responsabilité, transparence et bien sûr avec passion du métier. Au final, le voyageur aura été entouré d’experts solides et passionnés dans l’organisation et la réalisation de son voyage et c’est bien cela l’essentiel.

Le Livre Blanc édité par l’association Respire – le tourisme de demain écrit : « Enfin en soi, le voyage est un vecteur moderne de transmission des idées permettant les échanges, les brassages, métissages et les apprentissages au-delà des frontières »

Vous, professionnels du tourisme, organisateur des aventures de vos clients, allez-vous oser traverser les frontières et oser, pour vous-même, cette nouvelle aventure du mariage arrangé ?

Article écrit par Sabrina Arnould pour LE GOÛT DU VOYAGE

Le 20 février 2021